Traduire affordance par « invite », c’est la faire pencher du côté d’une certaine politesse des choses à notre égard : elles nous inviteraient à nous comporter de telle ou telle manière, montreraient des attitudes favorables ou défavorables, susceptibles de nous encapaciter à agir de telle ou telle manière. Pourtant, to afford en anglais est plus fort : « permettre » ou « se permettre ». Nos environnements font plus que simplement nous inviter poliment à agir : elles nous autorisent, nous permettent voire en un certain sens nous commandent. Les études sur les facteurs extralégaux qui entrent dans la décision des jurys aux États-Unis fournissent un exemple fameux d’un tel décentrement : à la question de savoir ce qui jouait le rôle le plus déterminant dans la clémence ou dans la sévérité d’une décision, des psychologues expérimentaux ingénieux ont révélé qu’aux côtés des facteurs individuels et sociaux, tels que classe, race, genre..., les facteurs environnementaux, tels que la dureté des sièges ou la qualité des repas, jouaient des rôles déterminants (Akomolafe 2020). Qui, du siège ou de l’humain, prend la décision ? Poser la question ainsi, c’est déjà se placer du point de vue de leur séparation, quand l’enjeu serait précisément d’apprendre à penser que c’est plutôt une sorte de centaure ==chaisehumain== qui prend la décision, ou plutôt que l’humain n’est pas séparable des meubles dont il s’entoure et qui participent à ce que cela signifie pour lui de prendre une décision. [E.Bigé, Mouvementements](https://www.editionsladecouverte.fr/mouvementements-9782348074967)